jeudi 16 juin 2011

Sur le chaos et l'anarchie - Commentaire

Ceci est un commentaire faisant suite à la parution d'un texte de mon ami Xavier Boileau dans le quotidien québécois Le Devoir. Je vous invite à suivre et à participer à la discussion qui s'en suit sur le site du quotidien.

FredK
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Félicitations M. Boileau pour votre texte et bravo pour sa publication.

Beaucoup de réactions à vos propos reprennent de façons variées l'argument selon lequel la disparition des partis politiques aurait pour effet de déstabiliser le gouvernement - avec le spectre de l'anarchie et du chaos en arrière-plan. D'autres vous opposent que les partis politiques se reformeraient autour de coalitions informelles, ce qui aurait pour effet de recréer une situation semblable à celle qui nous vivons présentement.

Essentiellement, ces perceptions découlent d'une vision de l'homme politique où celui-ci s'identifie à une pensée - conservatrice, libérale, socialiste, etc. - ou à un groupe - fédéralistes, souverainistes, etc. - avec lequel il partage les mêmes convictions. C'est la logique du parti.

Dans un tel paradigme, où l'homme politique défend les mêmes positions que plusieurs autres sur l'ensemble des enjeux à débattre, il est logique que ces personnes se regroupent en partis politiques qui défendent une ligne de pensée commune.

Cependant, bien que cette logique semble avoir été celle qui primait durant les années de la révolution tranquille, et qui a permis de faire du Québec une société moderne en l'espace de quelques décennies, elle ne correspond plus du tout au modèle de pensée des générations postrévolutionnaires pour qui l'adhérence à une idéologie se fait de façon ponctuelle, enjeu par enjeu.

Je m'explique.

Ceux et celles qui sont nés après la révolution ont grandi dans un environnement en grande partie débarrassé des tabous sociaux, entre-autres religieux, où le développement des échanges d'idées était valorisé par l'éducation et facilité par le développement des technologies de l'information et de la communication.

Littéralement mis face à face avec le monde, leurs convictions se sont forgées autour d'enjeux - environnement, pauvreté, indépendance, démocratie, etc. - qui les intéressaient particulièrement et sur lesquels ils ont cherché à se renseigner et sur lesquels ils ont pris position. Bien entendu, ils ont rencontré dans ce processus des gens qui partageaient leurs idées et qui défendaient les mêmes valeurs qu'eux.

Seulement voilà : s'entendre sur un enjeu spécifique ne signifie pas s'entendre de façon intégrale sur ce que devrait être la société. Bien entendu, c'est une réalité présente à l'intérieur des partis politiques - le PQ nous l'a bien rappelé récemment - mais l'homme politique issu de la génération qui n'ayant pas vécu d'enjeux aussi polarisateurs que la souveraineté du Québec, a une vision de la société qui est foncièrement "à la carte".

Dans un tel cas de figure, il devient facile d'expliquer pourquoi la partisannerie « de ligne de parti » est nuisible à la chose publique : comment voulez-vous qu'un jeune souverainiste de droite choisisse entre un parti fédéraliste de droite et un parti souverainiste social-démocrate?

Réponse : il ne choisit pas. Et ne vote pas.

Aussi, l'abolition des partis politiques, tel que le suggère monsieur Boileau, loin de mener au
chaos et à l'anarchie, permettrait à ces jeunes qui voient la politique sous nombre de dimensions, oserais-je dire à un niveau de complexité dépassant l'insignifiant axe gauche-droite, de prendre part active à la chose publique et à défendre ce en quoi ils croient, non pas ce qui est pratique de défendre.

Ce type d'expression fleurit déjà là où les contraintes d'appartenance à un parti n'existent pas, sur l'Internet. Les jeunes échangent, se renseignent dans des forums comme Générations d'idées et l'Institut du Nouveau Monde. Cette politique plaçant l'humain et ses convictions au centre de la démocratie, quoique informelle, produit déjà des propositions très, voire bien plus novatrices, que celles des partis.

Le progrès sociétal passe aussi par l'évolution des structures du pouvoir.